La ferme est régie par un groupement d'agriculteurs appelé le GAEC. Une petite communauté constituée de 5 familles s'est installée sur ce terrain de 70 hectares en 1976, et la nouvelle génération remplace maintenant les premiers occupants.
Lien:
https://libertytocreatetomorrow.wordpress.com/2014/08/20/la-ferme-de-malplaquet-produire-pour-survivre/
Il n'y a pas de hiérarchie, les décisions sont prises en commun parmi les membres qui gèrent leur propre temps de travail. Une des difficultés est de séparer la vie privée de la vie publique, mais les différences d'opinions ou de gestion de la vie quotidienne restent aussi des points majeurs à prendre en compte. La volonté des uns à faire de la ferme un "château" est réduite par par la nécessité de survivre dans le milieu rural. La ferme repose sur les subventions de la PAC (Politique Agricole Commune qui englobe 43% du budget de l'UE) comme beaucoup d'autres domaines ruraux. En outre, les agriculteurs ne sont souvent déclarés qu'à temps partiel, par manque d'argent.
Les travailleurs permanents doivent suivre un planning qui répartit les tâches à faire dans la semaine:
- La traite des vaches, des chèvres, et des brebis matin et soir
- La fabrication du fromage et des yaourts
- Le marché le mardi, mercredi, vendredi et samedi
Chacun est aussi spécialisé dans un domaine. Par exemple, un employé va s'occuper des parcs des brebis et de la transhumance, un autre des vaches, ou encore du fouin.
Il faut cependant souligner que seulement une minorité s'occupe des tâches ménagères et de la cuisine. Cet aspect est quelque peu négligé et pas assez mis en valeur, ce qui rend le lieu rustique et peu hospitalier au début. On est donc encore loin de notre château surplombant les collines boisées...
Mais on comprend bien vite qu'il est difficile de trouver le temps pour le confort, étant donné tout le travail à fournir. Malgré un premier apriori négatif, la ferme est très accueillante et agréable à vivre, avec des gens chaleureux et généreux sur qui repose le bon fonctionnement de la ferme. Merci à eux pour les repas partagés dont la plus grosse pizza jamais vue, le partage de leur connaissances, les échanges, et bien sûr leur gentillesse.
Nous avons eu l'occasion d'assister et de participer aux activités de la ferme:
1. La traite des vaches
On disait à l'époque que 20 vaches étaient suffisantes pour la survie d'une ferme. Ensuite avec les nouvelles technologies et la baisse des prix, on est passé à 50, puis à 100. Ici, il n'y a que 22 vaches laitières, mais ils s'en sortent grâce à la fabrication du fromage et la vente des veaux.
Attention: végétariens, surtout s'abstenir!
On ne connait pas l'espérance de vie de ces vaches, car elles "partent" au bout de 5-10 ans, lorsqu'elle ne font plus assez de lait. Ces montbéliardes, excellentes laitières d'origine suisse, produisent ici environ 5 litres de lait à chaque traite. Cependant, si à la pesée (faite une fois par mois) elle ne produisent pas assez, elles doivent partir pour garder une productivité élevée. Depuis des décennies, les vaches sont suivies et il est malheureusement interdit de leur apporter une fin plus douce. La ferme n'en a pas le droit, et se doit de les envoyer autre part.
A la ferme, les vaches ne sont plus traites à la main, sinon les agriculteurs auraient des tendinites dès le 1er jour (on a 20 vaches à traire). Il faut d'abord nettoyer le pis avec de la laine de verre, puis tirer le peu de lait qui stagnait afin d'éviter les bactéries. Après le nettoyage, on branche la machine et la traite se fait par la pompe. Attention aux coups de pattes et au crottin de vache, certaines ont une sacrée humeur!
2. La traite des chèvres
Contrairement aux vaches, les chèvres ont souvent le droit à la retraite vers l'âge de 10 ans. Certains propriétaires aiment à garder une petite chèvre pour tondre la pelouse de leur jardin. Elles peuvent ainsi paisiblement passer la fin de leurs jours, sans avoir à redouter l'abattoir.
Les chèvres sont cependant moins résistantes au froid et produisent moins de lait: elles ne sont pas bien grosses! Ici la ferme a environ 100 chèvres à traire 2 fois par jour (une étude dit qu'il serait même plus rentable de les traire 3 fois par jour toutes les 8 heures, mais qui veut se lever à 6 heures?), et 2 boucs. Un bouc ne fait pas trop son travail, l'autre est lessivé et se repose en ce moment. C'est en effet l'époque pour les chèvres de se reproduire, afin qu'elles mettent bas vers le mois de février. Contrairement aux vaches, les chèvres sont saisonnières, et il est donc impossible de trouver du fromage de chèvre frais sur les marchés en décembre. Les chèvres de Malplaquet ne vont pas tarder à être taries.
La plupart sont pressées d'être traites, surtout parce qu'elles ont le droit à de la bonne nourriture. Elles se précipitent sur la plateforme en bois et se mettent immédiatement à manger. Alors on enlève le reste de lait de leurs pis. Il faut y aller fermement pour ne pas recevoir de coups de pattes. Ensuite la machine fait le travail.
3. Les brebis
Les brebis sont déjà taries, mais il faut s'en occuper tous les jours de l'année. Comme elles ne mangent plus l'herbe sur laquelle elles ont fait leurs besoins, il faut constamment agrandir les parcs avec des clôtures électriques. On considère qu'il faut un mois avant de réutiliser les prés, ce qui exige des transhumances plusieurs fois par semaine. Nous nous sommes occupés d'enterrer les piquets et de les tirer par le bas pour les empêcher de s'échapper, car la corde du bas n'est pas électrifiée (contact avec le sol).
La difficulté ici réside dans la délimitation des propriétés. Le berger se doit de connaître son territoire pour éviter tout conflit de voisinage. Il est déjà arrivé que des propriétaires se plaignent des brebis dans leur jardin: "Ce mouton a mangé mes acacias! Je vais en parler à votre boss" Les moutons font aussi saliver les jeunes ouvriers. Après un échange de plaisanteries, un des travailleurs nous lance: "ça y est elles s'en vont! Prenez les couteaux, les mecs, on se fait 2-3 brebis!". "Bon, la fête du mouton est passée, mais quand même!".
"Vous inquiétez pas, nos béliers vont les défendre".
4. La fabrication des produits laitiers
Ici, ils fabriquent le munster et la tomme de vache. Le munster, que vous connaissez si bien, a des origines alsaciennes et vosgiennes du XIème siècle. Sa préparation consiste à chauffer le lait à 33°C, d'y ajouter un ferment et de la présure, et d'en récupérer le lait caillé. La présure est une enzyme digestive, la chymosine, qui permet de faire coaguler le lait en séparant les protéines. Plus on en met, plus cela prend rapidement. Lorsque le lait est pris, on se met à le mélanger. Si on ne veut pas faire de Munster, on le chauffe tout de suite (ex: tomme de vache chauffée à 50°C pour obtenir de la pâte cuite).
Le reste du lait est souvent récupéré pour faire du sérac, un fromage léger consommé frais, mais le surplus est tout simplement donné aux cochons.
5. Le marché!
Nous voici sur la route à 6h du matin, direction Strasbourg.